Île d'Ouessant

Ouessant, île des vents de kornog, de gwarlan, de mervent et des autres...

Sur la lande élastique, à l’abri d’un rocher rugueux à Pors Glaz : de minuscules escargots roses, transparents, des touffes d’œillets marins, de criste marine, quelques alouettes vives.

Les vagues, à l’heure d’étale font leur petit bruit de langue qui lape en contrebas de la falaise. Solitude paisible, presque mélancolique des après-midi bretons si bien exprimée par Jean-René Huguenin…

L’art du voyage exige que l’on rêve avant sur la carte, pendant sur les lieux, après sur les traces. Voyager est plonger dans un bain d’odeurs, de couleurs, de sons, de touchers (touchez du tweed épais chez un marchand de tissus : quelques rochers grenus, quelques lichens rouillés d’Ouessant vous remontent aussitôt à la mémoire par les doigts).

A huit heures trente, au Conquet, les mouettes survolent le port de leurs appels qui cherchent la chamaille. De temps en temps, l’une d’elle atterrit dignement sur les casiers à crustacés, hautaine dans ses plumes d’un blanc parfait souligné de gris doux. Elle pose pour la photo, fixe les touristes d’un œil jaune imperturbable puis reprend avec son vol glissé, ses mauvaises querelles, sa gouaille qui fend l’air gris. Est-ce du vol, du patinage sur glace, de la calligraphie ?

Trois vedettes relient Ouessant au continent : le Fromveur, l’Enez Eussa (l’île d’Ouessant), le Bugel Eussa (l’Enfant d’Ouessant). C’est le Fromveur que nous attendons pour une traversée de trois heures que nous ferons sur la plage avant ou sur le pont supérieur pour ne rien manquer des embruns, de l’iode, de l’Iroise, de tout ce que bâbord et tribord pourront offrir d’écueils qui, dit-on à Molène, « sont aussi nombreux que les jours de l’année ».

Une soixantaine de passagers sont prêts pour l’embarquement. La magie des îles est qu’à chaque passage, les touristes s’entassent sur les bateaux, foule impressionnante, dissuasive et qu’aussitôt débarqués, on ne les revoie plus : les îles les avalent, les dissolvent, les éparpillent au vent comme feuilles mortes. Certains resteront à Molène, à mi-parcours ; d’autres seront absorbés par les landes ouessantines pour un ou plusieurs jours, dissous peut-être par la pluie, semblables aux silhouettes des peintures chinoises, fondus dans la solitude des vaines pâtures parmi les moutons noirs. Plusieurs fois par jour, ils sont soixante ou cent, ou plus à débarquer au port du Stiff. On se retourne. Evanouis. Plus personne, plus qu’un grand silence d’îles de tous les points de l’horizon circulaire ; parfois, au loin, on croit voir… capuchon noir ? suroît jaune ? ou tamaris fouillé par le crachin du large ? Perspectives mouvantes, incertaines, aquarellées. Ne sait-on pas que tout naufrage ici venait par les mirages : fausse distance de la côte, fausse lanterne de phares dans la tourmente, faux bruits de voix. Le brouillard, vaste fantôme terrible truquait tout.

Pour l’heure, en baie du Stiff, les autocars, les taxis, attendent les voyageurs pour les conduire à Lampaul, village abrité au fond de son anse, posé en blanc, en gris sur le vert des prés en pente, ponctués de moutons, de quelques vaches.

Odeur de coaltar, débris des filets, transvasements de caisses, de casiers et c’est bientôt l’autre côté de la terre, l’ouest, le nord-ouest (le noroît) là où toutes les îles bretonnes ont leur vrai visage du large, celui, raviné, tavelé, corrodé, torturé de leurs marins, un visage « de vent debout » comme on dit à Morlaix, où l’on sait ce que vent veut dire.

A la porte du tisserand, dans la descente de la route de Penn Arlan, j’ai ramassé par terre de la laine bleue mâchée par les pas des passants, d’un bleu dit « bleu d’Ouessant » car c’est une île violente : souvent elle est noire, mugissante mais aussi capable de bleu brûlant, d’un bleu de sel corrosif, d’un ciel intense réverbéré dans une mer d’acier et d’argent favorable aux insolations, aux craquelures de la peau. 

Bleues les portes, les fenêtres garnies de rideaux au crochet, les barrières des maisonnettes de granit ou de ciment blanchies au lait de chaux, dont les toits d’ardoises de Locquirec (des lauzes) ou des Monts d’Aré, sont cimentées ; bleus les filets de pêche retenant les abris pour moutons ou les tas de foin mis à sécher dans les courtils, les girouettes de bois ou de fer, en forme de poissons, de sirènes, de fanions fleuris de rouelles. Bleues aussi les niches creusées dans les socles des calvaires qui, sans doute contenaient des statuettes de la Vierge. Autour des calvaires, les moutons se groupent en fonction du vent, blancs, bibliques avec parfois au milieu d’eux un mouton noir semblant cousin du Diable avec sa tête en cône bizarre, image de l’autre, de l’étranger étrange, du dépareillé, noir et frisé, Sarrasin.

Moutons blancs de la lande, moutons de la mer poussés en flocons d’écume tremblants sur l’herbe rase les jours de grain quand la terre et la mer ne savent plus se démêler : « Notre île un jour quittera son mouillage et partira sur la grande mer ».

Les jardinets qu’en Bretagne on appelle « lioz » abritent des hortensias, des camélias, des fushias, des mimosas, des figuiers, des aloès, des troènes, des genêts d’Espagne au centre de muretins surmontés d’un picot d’énormes galets ronds grêlés de lichens verts.

Dans le cimetière on déposait les croix de proëlla en cire dont la flamme était l’âme de chaque péri en mer, dans un oratoire sur la porte duquel on peut lire : « Ici, nous déposons les croix de proëlla en mémoire de nos marins qui meurent loin de leur pays dans les guerres, les maladies et les naufrages ».

Sur la lande aspergée d’embruns arrachés à la crête des vagues comme tempête de sable, couverte de bruyères, d’ajoncs nains qui piquent durement les pieds nus, de myrtes, de chardons, de gazon d’Espagne, d’œillets les nuages, cumulus blancs fouettés en neige, traînent par terre. On pourrait les toucher s’ils n’étaient pure lumière. Au bord des grèves, derrière des rochers ruiniformes, on découvre ici et là, des sacs de goëmon empilés. On pense à des trésors cachés par des contrebandiers, tandis que se plaint la corne de brume (« la vache » car elle beugle dans la tourmente). La pluie revient. En un instant la pointe de Pern devient irréelle, un château fort fantastique, dessin de Victor Hugo, ruine où même le phare du Créac’h qui, par temps clair parait avec ses rayures horizontales une chaussette révolutionnaire, noircit, disparaît. Plus de repères. Rien que le pilonnage, les détonations des vagues.

Ouessant s’en va, reprise par l’au-delà auquel elle n’a jamais cessé d’appartenir, lithique, néolithique, goëlan et pétrel-tempête (celui que les pêcheurs nomment « Satanite »). Elle a quitté le continent, le réel trop réel, « bout au vent », partons… Vers l’innommé.

                                                                                                     Marie-Dominique Pot


                                                     Une histoire inconnue


Qui part pour Ouessant a la tête pleine de légendes, de poèmes, de visions de tempêtes tragiques, livides. Ile des naufrages et des vierges druidesses nous disent les Romantiques. Déjà, Pythéas en 330 avant Jésus Christ, raconte y avoir perdu un navire. Strabon en 50 avant J.C, la nomme Ouxima ; Ptolémée au deuxième siècle, Uxantisima ; plus tard on l’appelle Uxenti, Ussent, Uxéma, Ulsan, Uxant, Oyssant, Heissant. Par euphonie, on pense à « Ultima », à « l’Ultima Thulé », l’ultime, l’extrême, celle après laquelle le monde visible cesse pour entrer dans l’au-delà des Celtes, dans le Gwenved, le Monde Blanc. Ouessant, la limite, la porte du vaste inconnu, aujourd’hui bien cartographié, du moins à sa surface, car pour ce qui est des grands fonds, bien des « blancs » demeurent, le monde du dessous, celui des naufrages étant loin d’avoir tout dit.


                                                 La proëlla, rite funèbre


Dans tout l’archipel, les femmes ou les mères attendaient parfois en vain le retour d’un marin. Disparus en mer les corps ne seraient pas retrouvés. Lorsque tout espoir était abandonné, on célébrait la proëlla (mot qui signifie : « retour au pays »). Ce rite ancien simulait la sépulture d’un corps absent. A sa place, le linceul recouvrait une croix de cire blanche qui reposait sur la coiffe de la veuve. On allumait les cierges, on aspergeait la croix avec le rameau béni et la veillée commençait au son des litanies pieuses, en breton. Au matin, la croix serait portée en cortège jusque sur le catafalque avant d’aller rejoindre l’autel des Trépassés puis l’oratoire du cimetière sur lequel est écrit : « Ici nous déposons les croix de proëlla en mémoire de nos marins qui meurent loin de leur pays dans les guerres, les maladies et les naufrages ».


ART POSTAL REÇU

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Bernard jeun et
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Ise Cellier
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Marie Morel
Marie Morel
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Pierre Adréani
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Mariette
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Massin
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Eric Bensidon
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Catherine Darbon
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Robert Grève(receveur des Postes)
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Sébastien Boullé
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Alain Toussaint
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Kica Lefort
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André François
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Estaque
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Sanfourche
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Catherine Domain
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Hassan Massoudy
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Giani Broï
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Jalandrou
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Michèle Riesenmey
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Yves Perrine
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